REMINISCENCE
La peur…
Celle qui, lorsque l’on est enfant, nous fait nous cacher sous les draps, effrayé à l’idée de voir un monstre surgir, celle qui nous tenaille le ventre parce qu’on doit faire signer une interro ratée, celle qui nous oppresse le jour d’un premier examen, d’un concours, le jour de son premier entretien d’embauche, le jour de son engagement. Cette peur qui nous fait trembler à l’idée de mal faire, de décevoir, de se tromper….
Mais cette peur n’est rien avant de ne plus sentir son bébé bouger et de penser que l’on a fait une fausse couche parce qu’on a des saignements, avant que l'on épie sa respiration et qu'on ne se relève plusieurs fois dans la nuit au point que même sa première nuit nous empêche de dormir ; elle n’est rien non plus, avant que l'on ne doive le confier à une inconnue ou avant qu’il ne se fasse gronder par sa maîtresse et qu’il en soit inconsolable. La peur n’est rien avant l’annonce d’une maladie et d’une hospitalisation de longue durée quelques jours avant les 4 ans de votre petit garçon. Et là, alors que vous devez confier votre enfant à des professionnels en réalisant votre impuissance à l'aider, pour conjurer cette peur vous vous répétez en boucle « Tout ira bien, tout ira bien !» et vous essayez d’y croire vraiment.
Vous pensez, alors, que plus rien ne pourra être aussi angoissant, et vous vivez avec cette peur pendant deux ans, jusqu’à ce qu’un monsieur en blouse blanche ausculte votre petit bonhomme de 6 ans, et examine ses résultats d’analyses et qu’il ne vous donne son verdict. « Tout est redevenu normal ! Désormais nous nous reverrons dans 6 mois puis si les résultats sont aussi bons, l’année suivant pour une dernière fois. »,
Et puis les mois passent, sans « boule au ventre ». On pense avoir vécu le plus dure et on pense avoir maîtrisé et appris à relativiser. On s’habitue, on croit avoir dompté cette peur, l'avoir apprivoisée jusqu’à ce qu’elle réapparaisse ; car la peur à cela de terrible c’est qu’elle n’est jamais vraiment loin.
Et quelques années plus tard on découvre la peur pour son avenir, la peur que votre trésor ne se trompe d’orientation. Et pour contrer cette peur au lieu de dire «"Je t’aime et j’ai peur" , on hurle « bon sang tu as fait ce que je t’ai dit, tu as cherché, tu as écrit, tu as corrigé, tu as rempli, tu t’es renseignée… Bosses un peu plus, demande, révise, travaille… ». On se répète, on avertit, on conseille, on rabâche, on crie !
Et on comprend que, non, on ne s’habituera pas !
Mais on a vieilli, on s’est endurci un peu plus de nos expériences, on raisonne, on discute et l’on se dit que l’on ne peut pas tout maîtriser pour eux, on les surveille, on les guide, on les aime et l'on essaie tant bien que mal de ne plus penser à cette peur !
...
Mais la peur fait partie de la vie puisque nous aimons...L’important est de tout faire pour ne pas l'amplifier et la maîtriser pour profiter de la vie. La peur est une compagnie dont je me serais bien passée, quoiqu’après coup je m'aperçois qu'elle fait ressurgir une chose trop oublié par l'habitude : l'observation par le petit bout de la lorgnette de ceux que j'aime, sans trop d'ingérence mais juste pour les regarder grandir et apprécier tous les petits moments qui bout à bout font des grands moments d’amour !